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Séminaire de linguistique – Théories et pratiques linguistiques
17 décembre - 15h00 à 17h00
« Aujourd’hui, maman est morte » ; « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » ; […] ou La syntaxe dite événementielle : construction et identification
Samir Bajrić, université de Bourgogne
Résumé :
Existe-t-il une syntaxe événementielle ou, plus généralement, une manière de parler et d’écrire qui permette aux usagers des langues naturelles d’effectuer des choix (lexique, syntaxe, intonation, etc.) susceptibles d’être perçus comme étant particuliers, saillants et, mutatis mutandis, représentatifs de ce qu’il est communément appelé événement (événement = « ce qui arrive et qui a de l’importance pour l’être humain », Le Petit Robert) ? Et au-delà de ce strict domaine disciplinaire, la notion même d’événement est-elle identifiable et consensuelle ? Comment trancher entre ce qui est un événement – qui a de l’importance pour l’être humain – et ce qui ne l’est pas – qui n’a pas d’importance pour l’être humain ?
En philosophie, l’événement est un concept qui désigne un fait, situé dans le temps, sortant de l’ordinaire du déroulement du temps. En effet, Karl Jaspers soutient que pour être historique, il faut que « l’événement soit un phénomène particulier, unique, irremplaçable, non réitéré » (Jaspers, 1953 : 44). De quoi rappeler l’approche stoïcienne qui en fait l’objet de « sa logique » (le sens comme logique et événement ; voir Warkocki 2013).
En linguistique, certains estiment que « l’événement, ses protagonistes et les données spatio-temporelles peuvent être exprimés par un énoncé » (Kačić, 1988 : 257). Admettons donc qu’Albert Camus ait opté, dans le célèbre roman L’Étranger, pour l’ordre des mots que l’on sait : Aujourd’hui, maman est morte (le circonstant aujourd’hui y est en position initiale) et qu’il ait réfuté l’idée d’une construction phrastique différente de celle-ci, en l’occurrence : Maman est morte aujourd’hui (le circonstant aujourd’hui y est en position finale). Les deux phrases génèrent deux perceptions différentes de l’événementiel et, ce faisant, impliquent une hiérarchie d’analyse en termes de probité des interrogations à formuler. Pour celle-ci, on aura : « Quand maman est-elle morte ? » Réponse : « Aujourd’hui ». Pour celle-là, on se demandera : « Que s’est-il passé aujourd’hui ? » Réponse : « Maman est morte ».
Je tâcherai de poursuivre dans la voie entamée en élargissant aussi bien le cadre théorique qu’un certain nombre de faits de langue censés représenter le phénomène à étudier.